REM a représenté quelque chose d'important au début des années 80, au moment où les synthés avaient tout envahi et où il n'y avait grand chose à se mettre sous la dent. Venus de Géorgie, ces quatre-là avaient le mérite de proposer du rock à guitare, mâtiné de folk et de country. Retour à l'authenticité, donc.
Certains s'étonneront peut-être que nous ayons retenu une compilation plutôt que des albums. La réponse est aisée : les albums de REM, à cette époque, n'étaient jamais parfaits. Tous contenaient des "filler songs". Prenons l'exemple de Murmur, si prisé des critiques : en dehors de quelques chansons éblouissantes, il est assez quelconque.
Murmur, on y vient. "Radio Free Europe", à la basse percutante, et "Talk About The Passion" (que Mickael Stipe a décrit comme une "hunger song", une chanson de la faim), sont les deux singles qui ont été extraits de l'album. La compilation inclut également le splendide "Perfect Circle", très original, avec sa ligne de piano incluant des arpèges brisés.
Les caractéristiques stylistiques de REM étaient déjà en place : guitare carillonnante inspirée des Byrds, chant murmuré ("Murmur"), basse de Mike Mills très présente, paroles souvent obscures...
Avant Murmur, REM avait sorti un intéressant EP, Chronic Town, qui comprenait, entre autres, la chanson "Carnival Of Sorts". On peut y entendre un REM encore influencé par le punk, ou plutôt par le post-punk d'un Gang Of Four : les accords sont frottés à la manière funky.
En 1984 sortit Reckoning, acclamé par la critique. "So. Central Rain", magnifique de mélancolie, avec sa mélodie chantée sur le mode mineur, et "Don't Go Back To Rockville", plus country (elle a été écrite par Mike Mills), tels furent les deux singles issus de l'album. "Pretty Persuasion", enfin, est plus proche du rock, avec des accords à la Fleshtones mêlés à des arpèges byrdsiens.
Après deux albums pourtant unanimement salués, REM décida d'apporter quelques changements à sa musique. C'est ainsi que Fables Of The Reconstruction fut enregistré à Londres. Recul nécessaire à une meilleure lecture des Etats-Unis ? L'album se voulait en effet ancré dans la mythologie du grand Sud. "Can't Get There From Here", c'est du rythm'n blues joué avec les sons de la pop. Ce fut le premier single. Le deuxième fut "Driver 8" (à propos d'une ligne de chemin de fer), qui contient un riff montant très rock. "Green Grow The Rushes Go" est une ballade, marquée par un son plus dur qu'à l'accoutumée.
Lifes Rich Pageant sortit en 1986. En faisaient partie "I Believe", "Cuyahoga" (sur la rivière de l'Ohio qui avait littéralement pris feu) et surtout "Fall On Me". "Fall On Me", avec ses images de ciel chutant, est une des plus belles chansons de REM, de l'avis de Mickael Stipe. On ne le contredira pas. La mélodie, en mode mineur, prend soudain son essor pour aller tutoyer les notes les plus aiguës du registre de Stipe.
Document (1987) marqua le début de l'accession de REM au statut de groupe mainstream majeur, au prix de l'intégration de sons plus violents. "The One I Love" est un vrai classique de rock. Il y a encore des arpèges en mode mineur (délicatement joués, d'ailleurs) sur les couplets ; mais le refrain est basé sur un riff montant (qui voit le mi savamment dissoudre le ré, selon les mots de Peter Buck). Quant à "Finest Worksong", elle accueille une guitare saturée hérissée de notes stridentes et saccadées... Enfin, "It's The End Of The World As We Know It (And I Feel Fine)" demeure encore aujourd'hui une des chansons les plus populaires du quatuor-devenu-trio d'Athens. C'est d'ailleurs un des piliers de leurs concerts. Pendant les couplets, Stipe assène, très vite, des slogans et des phrases dépareillées construites sur le mode du "stream of consciousness" (courant de conscience). Plusieurs références peuvent être décelées : Lenny Bruce, Leonard Bernstein, Brejnev, Lester Bangs, etc. Sur les refrains : une étrange mélodie serpentine.
On aurait tendance, avec les années, à négliger REM, vu de plus en plus comme un groupe-dinosaure. Ce serait dommage... REM a été irréprochable tout au long de sa carrière, à une époque où peu de groupes l'étaient.
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