Unplugged in New York - Nirvana (1994)


1. "About a Girl" (Cobain) – 3:37
2. "Come as You Are" (Cobain) – 4:13
3. "Jesus Doesn't Want Me for a Sunbeam" (Kelly/McKee, reprise des Vaselines) – 4:37
4. "The Man Who Sold the World" (reprise de David Bowie) – 4:20
5. "Pennyroyal Tea" (Cobain) – 3:40
6. "Dumb" (Cobain) – 2:52
7. "Polly" (Cobain/Nirvana) – 3:16
8. "On a Plain" (Cobain/Nirvana) – 3:44
9. "Something in the Way" (Cobain/Nirvana) – 4:01
10. "Plateau" (Kirkwood, reprise des Meat Puppets) – 3:38
11. "Oh Me" (Kirkwood, reprise des Meat Puppets) – 3:26
12. "Lake of Fire" (Kirkwood, reprise des Meat Puppets) – 2:55
13. "All Apologies" (Cobain) – 4:23
14. "Where Did You Sleep Last Night" (Trad. arrangé par Leadbelly) – 5:08

 

Je n'inclus ordinairement pas d'albums live dans cette sélection, mais je vais quand même faire une entorse à mes habitudes en faveur d'Unplugged In New-York. Cet album, considéré comme le meilleur concert "débranché" jamais enregistré par les soins de MTV, est en effet lesté d'un poids historique considérable : il a été commercialisé un mois seulement après la mort de Kurt Cobain, et a fait figure d'une stèle de plomb balancée sur la tombe du mouvement grunge.

La prestation de Cobain et de ses hommes a été enregistrée en novembre 93, soit six mois avant l'événement tragique d'avril 1994. Ce qu'il y a de plus intéressant, avec cet album, c'est qu'il dévoile une facette nouvelle d'un groupe associé jusqu'alors à un son très saturé emprunté au punk et au metal. Là, Cobain se livre à nu, sans filet, s'accompagnant seulement à la guitare acoustique. Ce faisant, il rejoint les grands pionniers, ceux qui étaient capables de délivrer une musique brute sans outrepasser les limites d'instruments dérisoires.

Je confesse avoir été envoûté par les méandres de la musique d'un Arcade Fire. Mais ces excès-là ne sont tolérables que quand on peut ensuite se laver les oreilles en écoutant de la musique classiquement parfaite (Nirvana ou le Velvet Underground, par exemple).

J'ai parlé de pionniers ? Cobain reprend justement le vieil antienne de Leadbelly, "Where Did You Sleep Last Night". La chanson en ressort transfigurée, tant Cobain est un performer d'exception. Cette voix est du genre à mettre en branle les chiens de l'enfer... Doubler la basse par ce violoncelle sépulcral fut une très bonne idéee.

Il y a d'autres reprises exceptionnelles sur ce disque, et qui contribuent à le rendre indispensable. Nirvana rend tout d'abord hommage aux Meat Puppets, en invitant sur le plateau les frères Kirkwood. Cobain était une encyclopédie du rock alternatif, ne l'oublions pas. Les trois morceaux qu'ils interprètent ensemble, "Plateau", "Oh Me" et "Lake Of Fire", sont somptueux.

Autre reprise : celle des Vaselines, groupe alors peu connu. Nirvana reprend d'eux "Jesus Doesn't Want Me For A Sunbeam". L'interprétation qu'il en donne est âpre, dépouillée, très belle. Kris Novoselic accompagne son leader à l'accordéon, dont le souffle retenu, au milieu de tout cet espace vide, vibre de façon émouvante.

Enfin, les trois de Seattle donnent une nouvelle vie à un excellent morceau de David Bowie, "The Man Who Sold The World". La ligne mélodique, dès l'origine, était prenante, mais Nirvana avait décidément le chic pour rendre une chanson appétissante, en en asséchant le gras et en en faisant ressortir les zones musculeuses. Niravana garde le riff à broderie que jouait Ronson, mais remplace la batterie pourrave par quelque chose qui claque (on peut faire confiance à Dave Grohl) et ajoute une ligne de basse montante du plus bel effet sur le refrain.

Les autres chansons, naturellement, sont des originaux de Nirvana. Il y a d'abord des extraits d'In Utero, dernier album studio en date du trio, auquel Cobain avait voulu donner un son moins commercial. "Pennyroyal Tea", premier extrait de cet album, est interprétée par Cobain seul à la guitare. A nouveau, on rejoint l'intensité des pionniers. Cobain chante avec une rage qui n'a connu aucun équivalent dans les dernières décennies. C'est du blues, du blues blanc. La chanson, il faut dire, était en rappport avec sa consommation d'héroïne. On peut y entendre ces paroles : "distill the life that's inside me".

"Dumb", autre extrait, a la simplicité des choses parfaites. Une grille de quatre accords pour le couplet, qui permet à Cobain de marteler ses accords sur les temps faibles à la façon de joueurs de reggae. Sur les refrains s'invite un violoncelle langoureux. Il est ici question des muets, de ceux qui peuvent traverser la vie "sans jamais être tristes ou déprimés" (dixit Cobain himself), que les lueurs de l'intelligence ne tortureront jamais.

Quatre chansons de Nevermind ont été jouées durant ce set. La première est le méga-hit "Come As You Are", qui nous donne l'occasion de constater qu'un son plus clair ne lui mésied pas. C'est la marque des grandes chansons... La seconde, "Polly", est une belle ballade acoustique. La troisième, "On A Plain", qui était jouée avec une distorsion modérée sur Nevermind, s'est prêtée aisément à une interprétation moins électrique. Enfin, "Something In The Way" est une ballade désespérée, à laquelle les sonorités caverneuses du violoncelle confèrent un surcroît de gravité.

Terminons logiquement par le commencement, c'est-à-dire par la chanson d'ouverture. Il s'agit de "About A Girl", une très vieille chanson, puisqu'elle remonte à l'époque de Bleach. Elle atteste que dès ses débuts Cobain avait des références beatlesiennes. La chanson, construite sur le mode mineur, est jouable à l'acoustique, parce qu'elle n'est, si l'on peut dire, qu'une série d'accords soutenant une mélodie. Les tenants du genre metal et de la distorsion avaient oublié, à l'époque, l'essentiel, pour se perdre dans des détails (riffs, solos et autres choses superflues). Heureusement, Nirvana est arrivé... 

              Damien Berdot
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