1. "Hey Grandma" (Jerry Miller, Don Stevenson) – 2:25 2.
"Mister Blues" (Bob Mosley) – 1:55 3.
"Fall on You" (Peter Lewis) – 1:50 4.
"8:05" (Miller, Stevenson) – 2:17 5.
"Come in the Morning" (Mosley) – 2:04 6.
"Omaha" (Skip Spence) – 2:19 7.
"Naked, If I Want To" (Miller) – 0:51 8.
"Someday" (Miller, Stevenson) – 2:30 9.
"Ain't No Use" (Miller, Stevenson) – 1:33 10.
"Sitting by the Window" (Lewis) – 2:38 11.
"Changes" (Miller, Stevenson) – 3:13 12.
"Lazy Me" (Mosley) – 1:39 13.
"Indifference" (Spence) – 4:09
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San Francisco, 1967. Outre le Jefferson Airplane, qui publie cette année-là un Surrealistic Pillow emblématique, la métropole de Californie du Nord abrite un autre groupe exceptionnel, Moby Grape.
Moby Grape est constitué de Skip Spence, qui fut le premier batteur de Jefferson Airplane (justement) et qui s'est reconverti pour l'occasion à la guitare, des guitaristes Peter Lewis (rythmique) et Jerry Miller (lead), du bassiste Bob Mosley et du batteur Don Stevenson. Si l'on fait les comptes, on obtient donc trois guitaristes, autant que le futur Lynyrd Skynyrd !
Par surcroît, les cinq membres de Moby Grape chantent... Il faut donc s'attendre à une musique dense, bourrée de choeurs comme celle du Jefferson Airplane, mais aussi saturée d'interventions à la guitare. S'il y avait d'ailleurs un reproche à faire à l'album, ce serait celui-ci : son écoute n'est guère reposante, car il n'y a aucun moment de silence.
Passons aux qualités... Moby Grape représente le côté clair du psychédélisme californien : il reste attaché au format chanson et ne verse pas dans des improvisations interminables. Ensuite, les musiciens de Moby Grape sont bons, très bons même, au point de s'entendre dire qu'ils sont meilleurs que les Beatles par diverses personnalités de la musique West Coast (Neil Young et Stephen Stills inclus). Enfin, Moby Grape a un atout de coeur : il comporte en son sein un allumé, Skip Spence, qui finira cinglé à force de LSD et qui enregistrera un des plus célèbres albums barrés de l'histoire du rock, Oar.
Moby Grape (l'album), comporte deux chansons exceptionnelles. Si vous voulez découvrir cet album, je vous conseille de commencer par ces deux chansons.
"Sitting By The Window", écrite par Peter Lewis, est un miracle qu'on ne saurait comparer à rien d'existant. Un arpège qui suinte les influences lysergiques introduit le chant, mélancolique, chanté d'une façon étonnamment détachée, sur un accord en mode mineur. Il est question d'une femme aperçue par une fenêtre. Jadis il faisait soleil ; aujourd'hui c'est le temps de l'indifférence. Le choeur sur le refrain, sensiblement plus énergique que ce qui précède, est somptueux. Certaines parties de guitare de cette chanson rappellent les harmonies du raga indien.
Après le Moby Grape des ballades, il y a le Moby Grape agité : "Lazy Me" de Bob Mosley. Si vous voulez savoir comment on peut utiliser deux guitares électriques et une guitare acoustique en synergie (avec l'appui d'un chant écorché) pour produire un sommet d'énergie, écoutez cette chanson.
L'album est assez varié. On y trouve des mélodies ravissantes sur fond de guitares acoustiques et d'arpèges : "8:05" et "If I Wanted You". "Someday" commence dans les mêmes eaux avant de payer son écot à l'éclectisme : pont au chant rauque et solo jazzy. Toutes ces chansons portent la patte de Jerry Miller.
"Ain't No Use" est une pure chanson de country-rock, que n'aurait pas reniée le Gram Parsons des débuts. Il faut se rappeler que l'album est sorti en 1967, avant le Sweetheart Of The Rodeo des Byrds... Chanson très agréable, par ailleurs.
Le reste de l'album se compose de morceaux plus rock, où l'on sent les influences du rythm'n blues et de la soul. "Hey Grandma" de Miller/Stevenson est un excellent boogie-rock, emporté par des choeurs fiévreux et par un déluge de guitares. Cette ode à la vie hippie fut reprise par The Move (ce qui est plutôt bon signe, car Roy Wood s'y connaissait en bonnes chansons). "Omaha" de Skip Spence, encore plus violente, a atteint le bas des charts américains. Quant à "Mister Blues" et "Come In The Morning", deux chansons de Bob Mosley, elles ont un parfum de soul, au point qu'on croirait entendre Otis Redding chanter sur "Mister Blues". Ce n'est personnellement pas ce qui me touche le plus...
Moby Grape n'est certes pas parfait, mais comme l'ont dit Gene Sculatti et David Seay dans leur livre San Francisco Nights, c'est un des rares chefs d'oeuvres que le psychédélisme a produits". Si l'on met de côté les Doors, auxquels la personnalité sombre de Morrison confère une singularité irréductible à un quelconque mouvement, Moby Grape figure sans doute avec Forever Changes de Love, Surrealistic Pillow de Jefferson Airplane et Twelve Dreams Of Dr. Sardonicus de Spirit (l'ultime gerbe) dans le quatuor de tête des productions psychédéliques californiennes (Forever Changes étant nettement devant).
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