III - Led Zeppelin (1970)


1. "Immigrant Song" (Jimmy Page, Robert Plant) – 2:25
2. "Friends" (Page, Plant) – 3:54
3. "Celebration Day" (Page, Plant, John Paul Jones) – 3:29
4. "Since I've Been Loving You" (Page, Plant, Jones) – 7:23
5. "Out on the Tiles" (Page, Plant, John Bonham) – 4:08
6. "Gallows Pole" (trad. arr. Page, Plant) – 4:58
7. "Tangerine" (Page) – 3:12
8. "That's the Way" (Page, Plant) – 5:39
9. "Bron-Y-Aur Stomp" (Page, Plant, Jones) – 4:18
10. "Hats Off to (Roy) Harper" (traditional) – 3:42

 

De tous les albums de Led Zeppelin, celui-ci, c'est le choix du coeur. Album gorgé de ballades acoustiques séduisantes. Les mots de Jimmy Page valent mieux que des explications : "Il y avait toutes les racines du monde dans ce troisième disque : le bluegrass aussi bien que l'Ecosse, l'Irlande... surtout l'Irlande. Ce sont des choses inhérentes aux chansons du troisième album, comme un filigrane."

En 1970, après un deuxième album ayant pulvérisé tous les records de ventes, et après une tournée américaine triomphale, on aurait pu s'attendre à ce que Led Zeppelin reproduise la formule qui lui avait valu ces succès. Mais Jimmy Page, contrairement à ce que les critiques de l'époque laissaient accroire, n'était pas l'homme d'un seul registre. Ce fut d'ailleurs un des premiers musiciens de rock britanniques à posséder un sitar (bien avant George Harrison). Avant l'enregistrement du troisième album, Page et Plant se retirèrent dans un cottage (appelé Bron-Y-Aur), au Pays de Galles, où ils passèrent des moments très heureux et composèrent les titres acoustiques de l'album.

Seules trois chanson étaient de nature à satisfaire les amateurs de rock violent. Ce sont d'ailleurs de grandes réussites. Il y a d'abord "Immigration Song", qui ouvre l'album. Cette chanson avec son riff saccadé et les cris invocatoires de Plant, a une puissance thermonucléaire. Il y a ensuite "Celebration Day". Là, Page touche au génie. Il crée un riff au bottleneck d'une originalité folle. Deux guitares s'associent d'ailleurs pour propulser ce riff. Solo concis. Rien à dire. Enfin, il y a "Out On The Tiles", qui repose sur plusieurs de ces grands riffs dont Page avait le secret, riffs qui laissent une place au silence et surtout au jeu de batterie rythmique de Bonham. Led Zeppelin n'était décidément pas avare : il faut écouter comment se termine la chanson, sur un ultime riff groovy...

"Since I've Been Loving You" est une chanson très électrique... mais c'est surtout une chanson hors catégorie. C'est un long blues mineur dramatique, au cours duquel tant Page que Plant rivalisent d'effets expressifs. Beaucoup affirment qu'il s'agit tout simplement du plus grand morceau de blues réalisé par des Blancs. Sur ce titre, le jeu de Page arrive pleinement à maturité. Même les critiques qui l'accablaient à l'envi, lui reprochant de reproduire des "clichés" (on n'en a pas fini s'il faut débusquer tous les clichés véhiculés par la musique populaire...), en resteront cois.

Toujours sur la face A : "Friends", une magnifique chanson, à laquelle des arrangements de cordes orientaux donnent un caractère un peu irréel.

Certains des morceaux les plus folk de l'album, comme "Gallows Pole" (une reprise d'un air traditionnel anglais popularisée dans les années 20 par Leadbelly), sont en fait de lointains cousins du "Whole Lotta Love". La country anglaise, comme le blues américain, peut très bien devenir hard. J'en veux pour preuve le final dévastateur de "Gallows Pole", où banjo, mandoline et violon se mêlent, par-dessus les battements de furieux de Bonham.

Du blues hard ? On en a un échantillon sur Led Zeppelin III : "Hats Off To (Roy) Harper" (un hommage au bluesman Roy Harper, naturelleemnt). Non que l'instrumentation soit particulièrement lourde. Bien au contraire : il n'y a qu'une guitare d'accompagnement. Mais une véritable folie furieuse s'abat sur l'interprétation de Plant et Page. Le premier hurle comme un possédé, avec moult effets sur sa voix. Le second ne joue pas : il produit un concerto pour frottements et râclements.

C'est le genre de morceau chaud qui ferait le bonheur de n'importe quel pub anglais. "Bron-Y-Aur Stomp" ferait tout autant l'affaire. A nouveau, la production est "roots". Claquements de mains, grosse caisse binaire, mélodie entraînante... Les objectifs sont atteints.

Ces chansons presque live côtoient des ballades arrangées avec soin. La champêtre "That's The Way" reçoit une magnifique piste de pedal-steel jouée par Page, ainsi qu'une habile mandoline. Pedal-steel également sur "Tangerine", influencée clairement par la musique country, et conduite par une belle 12-cordes. Les sons acoustiques et électriques se mêlent sur le solo, bourré d'effets.

Cet album, comme on peut le voir, est une magistrale synthèse de traditions les plus diverses. Il ne contient évidemment aucun morceau faible. Un des meilleurs Led Zep, sans conteste. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr