J'inclus ici non pas un album, mais une compilation. Cette compilation est sortie en 1971. Elle aurait pu être démodée par de nouvelles collections remises à jour... Mais non ! Elle est demeurée très populaire et comme animée d'une vie propre. La raison en est simple : les Stones, en 1972, ont commencé à décliner, rendant leurs albums ultérieurs dispensables. Hot Rocks couvre donc le meilleur de la carrière des Stones, et notamment leurs années londoniennes. Il y a bien sûr des oublis, mais telle quelle, cette compilation ne laisse pas d'impressionner chaque nouvel auditeur. C'est donc un outil parfait pour tout rocker prosélyte !
Hot Rocks inclut deux des premières chansons des Stones : "Time Is On My Side" et "Heart Of Stone" (avec son étonnant riff de basse). Les Stones, dès leurs débuts, avaient un son. Ici, le chant en choeur est de mise... C'est vraiment rafraîchissant que d'entendre des choses si anglaises sous la houlette des Stones. A noter qu'en ces années-là, les Stones étaient connus aux Etats-Unis pour leurs ballades soul... Aussi, chaque fois qu'ils sortaient un single, il s'agissait d'une chanson lente dans le style de "Time Is On My Side".
1965, à présent. Le statut de meilleur groupe de rock'n roll du monde revient aux Stones grâce à la célébrissime "I Can't Get (No Satisfaction)". Les paroles de Jagger collent aux frustrations adolescentes, et la guitare fuzz de Richards est suintante de menace. Toute aussi fondatrice : la ballade "Play With Fire", dont les paroles mettent en garde : "Ne joue pas avec moi, tu jouerais avec le feu". Jagger commence à incarner ce personnage malsain, habité par la perversité, qu'il campera au mieux dans "Sympathy For The Devil". L'accompagnement, raffiné, mêlant guitares et clavecin électrique, annonce le chef d'oeuvre à venir (Aftermath).
"As Tears Go By", réputée pour être la première chanson originale écrite par Jagger/Richards, est une ballade accompagnée par un orchestre à cordes. Elle a été interprêtée tout d'abord par Marianne Faithfull, avant que les Stones n'enregistrent leur propre version. "As Tears Go By" est sortie en face B de "19th Nervous Breakown", qui est à mon sens un des meilleurs morceaux de rock créés par les Stones première manière. "Get Off My Cloud" est un rock nerveux de Keith, qui recycle ici un des poncifs rythmiques du blues-rock.
En 1966 sort Aftermath, premier grand album des Stones, uniquement composé de chansons originales. L'album est présenté ailleurs sur ce site. "Mother's Little Helper", une ode à la pilule abortive, possède un riff introductif à consonances orientales, tout comme "Paint It Black", qui ne figure pas sur la version anglaise de l'album mais qui a été incluse dans le pressage américain. '"Paint It, Back", très célèbre, avec ses paroles étranges ("Je vois une fenêtre et je voudrais la peindre en noir") a été reprise dans la B.O. du film Full Metal Jacket de Stanley Kubrick. "Under My Thumb" est un des sommets incontournables d'Aftermath, avec sa basse fuzz et son riff de marimba.
En 1967 sort Between The Buttons. Les Stones, ici, essaient de coller à l'esprit du Swinging London, à grand renfort de choeurs et de clochettes. Mais leur style harmonique plutôt direct s'adapte beaucoup moins bien à ce genre de musique que celui des Beatles... Une réussite toutefois : la ballade "Ruby Tuesday", sur une fille très libérée. Significativement, il semble que l'auteur des paroles et de la musique soit Brian Jones. C'est lui d'ailleurs qui interprête ici la partie de piano, soutenu par un orchestre à cordes. "Ruby Tuesday" est sortie en single avec le plus rock "Let's Spend The Night Together" (qui n'eut pas l'heur de plaire à la censure).
Their Satanic Majesties Request, en dépit de son charme très bristish, est une médiocre réponse des Rolling Stones au Sergeant Pepper des Beatles. Les Stones n'étaient tout simplement pas faits pour jouer cette musique-là. Aucun titre de Their Satanic Majesties Request n'a été inclus dans la compilation Hot Rocks. Il eût été possible de réserver une place pour "She's A Rainbow", une très belle chanson, pourvue de cordes luxuriantes par John Paul Jones, le futur Led Zep...
Deuxième face et deuxième période des Stones : elle marque le retour au blues-rock des débuts.
"Jumpin' Jack Flash" annonce ce que feront les Stones pendant toute la suite de leur carrière : des chansons électriques à riffs (joués la plupart du temps en open tunings). L'originale demeure indépassable...
"Street Fighting Man" et "Sympathy For The Devil", la longue transe luciférienne, sont des extraits de l'album Beggar's Banquet (celui de la renaissance).
"Honky Tonk Women" est une resucée de la chanson "Country Honk" (qui figure sur l'album Let It Bleed). Cette chanson country écrite par Keith Richards pour Gram Parsons fut ensuite transformée en la version électrique que nous connaissons bien, en partie sous l'impulsion de Mick Taylor.
"Gimme Shelter" et "You Can't Always Get What You Want" sont deux des sommets de l'album Let It Bleed. "Midnight Rambler" est également sortie à l'origine sur cet album, mais la version ici incluse provient du formidable album live Get Yer Ya-Ya's Out.
"Brown Sugar" et "Wild Horses" sont deux exceptionnelles chansons figurant sur l'album Sticky Fingers. La première est un classique de rock à la Stones, avec une débauche de riffs rauques (basés sur des accords de quarte suspendue). Les paroles, parmi les plus scandaleuses des Stones, jouent apparemment sur un double sens : "brown sugar" peut être compris comme une référence à une fille de couleur ou à une variété d'héroïne. Quant à "Wild Horses", c'est une splendide ballade, peut-être la plus belle écrite par les Stones. Keith avait écrit la chanson en pensant à sa fille dont il était séparé à cause des tournées. On dit que Jagger a réécrit une partie des paroles...
Il est à noter que ces deux dernières chansons ont été écrites dès 1969, c'est-à-dire la même année que Let It Bleed. Cela confirme que l'apogée créatrice des Stones a pris fin cette année-là. En effet, Sticky Fingers me paraît moins dense que Let It Bleed, avec une tendance à l'autoparodie. Quant à Exile On Main Street, il est beaucoup trop brouillon pour mériter tous les éloges que les critiques lui destinent d'ordinaire. Certaines chansons, bien entendu, sont extraordinaires, notamment "Sweet Virginia" qui aurait certainement figuré sur cette anthologie si elle n'était sortie en 1971, soit un an avant la parution d'Exile.
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