Experience Hendrix : The Best Of Jimi Hendrix (compilation) - Hendrix, Jimi (-)


1. Purple Haze
2. Fire
3. The Wind Cries Mary
4. Hey Joe
5. All Along The Watchtower
6. Stone Free
7. Crosstown Traffic
8. Manic Depression
9. Little Wing
10. If 6 Was 9
11. Foxy Lady
12. Bold As Love
13. Castles Made Of Sand
14. Red House
15. Voodoo Child (Slight Return)
16. Freedom
17. Night Bird Flying
18. Angel
19. Dolly Dagger
20. Star Spangled Banner

 

Jimi Hendrix est un des météores intouchables de l'histoire du rock. En quatre ans de carrière (pas davantage), il a révolutionné le jeu de guitare et créé son lot d'hymnes. L'expression a été employée par un proche de Dylan pour décrire les excès de ce dernier, mais elle s'applique également à Hendrix : "il ne brûlait pas la chandelle par les deux bouts, il l'attaquait au chalumeau, par le milieu".

Même dans sa dernière année, alors que les abus l'avaient passablement dégradé, Hendrix a eu des moments de grande brillance. C'est pourquoi il peut apparaître plus avantageux à un néophyte d'acheter une compilation d'une vingtaine de titres, plutôt que d'acheter l'intégralité des albums.

De toutes les compilations qui ont exploité le filon Hendrix, The Ultimate Experience est la meilleure. Les titres qu'elle regroupe avaient été choisis par les fans au cours d'un sondage. Malheureusement, elle n'est plus disponible qu'en import (et c'est cher !). Al Hendrix est passé par là, et a mis de l'ordre au sein de la discographie de son rejeton, discographie qui était devenue, il faut le reconnaître, passablement bordélique.

Quelle que soit la compilation choisie, de toute façon, elle aura un défaut incompréhensible : celui de ne pas classer les titres retenus selon un ordre chronologique... Ca nous aurait pourtant bien simplifié les choses...

Choisissons le seul candidat (!) : Experience Hendrix : The Best Of Jimi Hendrix. On y trouve les deux premiers singles de Hendrix, "Hey Joe", une reprise d'une chanson traditionnelle (selon toute vraisemblance) qui avait été inspirée à Hendrix par la version de Tim Rose, et le formidable "Purple Haze". Cette chanson devait originellement s'intituler "Psychedelic Nonsense". C'est la manifestation du fait que Jimi Hendrix s'était profondément immergé, dès ses premiers faits d'armes, dans le Swinging London. Selon Hendrix, l'inspiration lui serait venue d'un rêve étrange qu'il avait fait. Toutefois, l'expression "purple haze" a sa source dans un roman de Philip Jose Farmer. L'introduction est insolite, en ce sens qu'elle superpose le Si b de la guitare aux octaves en mi de la basse. Puis s'ébranle le riff, très célèbre... "The Wind Cries Mary", autre single, est une merveilleuse ballade.

"Stone Free" est la face B de "Hey Joe". On s'étonne cependant de voir ce morceau sélectionné, alors qu'a été écarté de la compilation "Highway Chile", dont la guitare rythmique est un ouvrage d'art.

Figurent sur le premier et mémorable album de Jimi Hendrix : "Fire", avec son riff très rythmique (qui annonce les riffs zeppeliniens ?), "Manic Depression", un morceau à trois temps complètement dingue, le funky "Foxy Lady", et le grand blues "Red House". L'univers de Jimi, quand il arrive en Angleterre, c'est le blues, ne l'oublions pas.

La même année qu'Are You Experienced (1967), Jimi Hendrix va réussir l'exploit de sortir un album de même calibre, intitulé Axis : Bold As Love. De même calibre... ou de calibre supérieur ? Bien que les critiques se concentrent généralement sur le premier et sur le troisième, il me paraît incontestable qu'Axis soit plus dense et plus homogène que les autres. Il a aussi l'avantage d'être plus éloigné du blues. Plus anglais, en un sens.

D'Axis : Bold As Love ont été retenus les titres suivants : "Little Wing", une ballade dont l'introduction et le solo cassent les doigts des guitaristes en herbe, "If 6 Was 9", "Bold As Love", une autre de ces ballades qui joint à la splendeur émouvante de sa mélodie la dureté coupante de la guitare électrique et de la batterie de Mitch Mitchell, et enfin "Castles Made Of Sand". Cette dernière chanson est peut-être une des plus belles de Hendrix. Les couplets, très dylaniens, chantés dans un talk over touchant, sont constitués d'apologues à chaque fois différents, qu'éclairent les refrains : "de la même façon les châteaux de sable sont emportés par la mer...". Toute chose a une fin malheureuse, comme la vie de Jimi l'illustrera, hélas... Cette chanson est ouverte et refermée par un passage aux relents psychédéliques. Le riff qui soutient le refrain est particulièrement tortueux...

Le troisième album de Jimi Hendrix sortit en 1968. Electric Ladyland était le plus ambitieux des albums de Hendrix. Il était double, et semblait porté par un vague concept. Perfectionniste, Jimi fit appel à des musiciens de passage pour enregistrer certaines pistes, ce qui provoquera l'ire de Noel Redding et précipitera la fin de l'Experience.

"All Along The Watchtower" est une reprise de Dylan, mais une reprise tellement extraordinaire que Dylan ne jouera plus la chanson en concert qu'à la façon de Hendrix. Hendrix était avec Dave Mason quand il entendit la chanson de Dylan (Dylan qu'il avait toujours admiré) ; il décida aussitôt de la reprendre. Mason participa à l'enregistrement (il joue de la 12-cordes). L'introduction seule justifie à elle seule tous les éloges qui se sont abattus sur cette version : Jimi Hendrix sort des pentatoniques traditionnelles, en défricheur de couleurs inconnues.

"Crosstrown Traffic" est une des plus extraordinaires chansons de Jimi Hendrix. C'est un maelström où tout est ingéré : les couplets rythmés à la façon du blues-rock, les sons de guitare psychédéliques barrés, le groove de la soul... Des choeurs inouïs viennent se poser là-dessus... Hendrix était dans un moment de grâce particulier quand il a enregistré ces 2 minutes de perfection.

"Voodoo Chile" (Slight Return), avec son intro funky oscillant sous la wah-wah, est sans doute le morceau le plus célèbre d'Electric Ladyland.

La mort tragique de Jimi Hendrix, en 1970, survint alors qu'il travaillait sur un double album censé prendre la suite d'Electric Ladyland. Le travail sur l'album était bien avancé, la plupart des plages ayant déjà été finalisées. Pendant des années, ces morceaux dépareillés sortirent au gré des humeurs des commerciaux, celui-ci sur The Cry Of Love, celui-là sur Crash Landing, etc.

En 1997, suite à la reprise en main par Al Hendrix du catalogue de son fils, l'album inachevé sortit enfin, sous une forme plus que correcte. The First Rays Of The Rising Sun (d'après un roman d'Arthur C. Clarke) révélait au public un Hendrix n'ayant rien perdu de ses talents de songwriter, et désireux d'ouvrir une nouvelle ére musicale (comme le clame le titre de l'album). Le jeu de guitare de Hendrix, dans une chanson comme "Freedom", avait atteint une maturité très impressionnante. Cette musique-là faisait la synthèse du blues-rock anglais psychédélique de l'époque de l'Experience et de la musique noire plus funky avec laquelle il avait souhaité renouer par le biais du Band Of Gypsys.

Le fantastique "Night Bird Flying" et "Dolly Dagger" nous donnent d'autres échantillons de la nouvelle musique que Hendrix était en train d'inventer.

Dernier extrait de cet album posthume : la ballade "Angel", une des favorites des fans, à laquelle Mitch Mitchell vint ajouter des vagues de cymbales parfaitement appropriées.

Il apparaît très clairement que la famille Hendrix a souhaité donner davantage de place aux chansons de The FIrst Rays Of The Rising Sun que ce à quoi les précédentes compilations nous avait accoutumés. Sage décision. Par contre, il aurait peut-êre fallu réserver de l'espace pour les prestations en concert, Hendrix ayant évidemment été un des plus grands showmen de l'histoire. Quid de "Wild Thing", la reprise en son crade des Troggs ?

Seule inclusion live : le célébrissime saccage de l'hymne américain, auquel Hendrix se livra durant le festival de Woodstock. Hendrix parvient avec sa seule guitare à rendre les assauts aériens et les bombardements en tapis.

Que Jimi Hendrix soit mort en 1970 à seulement 27 ans (comme Jim Morrison) est évidemment un drame. Au moment de sa mort, il travaillait à une musique foisonnante, passionnante et sans équivalent sur la planète Terre. Dieu seul sait dans quelle direction Hendrix, qui était le Paganini de la guitare (il mangeait avec son instrument et avait aboli la distance entre le cerveau créateur et la main exécutante), aurait tiré la musique populaire. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr