Harvest - Young, Neil (1972)


1. "Out on the Weekend" – 4:35
2. "Harvest" – 3:03
3. "A Man Needs a Maid" – 4:00
4. "Heart of Gold" – 3:05
5. "Are You Ready for the Country?" – 3:21
6. "Old Man" – 3:22
7. "There's a World" – 3:00
8. "Alabama" – 4:02
9. "The Needle and the Damage Done" – 2:00
10. "Words (Between the Lines of Age)" – 6:42

 

Harvest est l'album le plus populaire de Neil Young, mais pas le préféré des critiques (il s'en faut de beaucoup). Ce qui dérange ces derniers, c'est son côté "laid-back" : musique peinarde destinée à être écoutée au coin du feu, pendant une lecture du journal local.

Harvest, il est vrai, n'est pas l'album le plus intense du Canadien... Toutefois, les critiques qui lui sont adressées sont un tantinet exagérées. D'abord, à quoi reconnaît-on précisément un titre "laid-back" ? Est-ce que tous les morceaux d'Harvest se rangent docilement dans cette catégorie inventée ? Je ne le crois pas...

Et quand bien même ce serait le cas, alors Harvest serait le fleuron de toute la production "laid-back", tant il dégage une chaleur agréable et tant il est habilement composé. Pour simplifier, il y a le bon laid-back : Harvest. Et il y a le laid-back à chier : les disques d'Eric Clapton...

De toute façon, je reconnais être susceptible de partialité dans le cas qui nous préoccupe. J'ai été mis très tôt en contact avec cet album, et je m'y suis attaché comme à une bestiole.

Attachant ? Le premier titre, "Out On The Week-End", ne l'est-il pas ? Cette ballade est rythmée par une basse lente, profonde, rebondissante. La production riche nous gratifie d'une profusion de gâteries : harmonica très mélodieux joué par Neil Young, pedal steel magnifique (jouée par Jack Nietzshe himself)... Tout cela s'imagine suintant le sud et y réussit fort bien.

"Harvest" : autre ballade avec pedal steel. Young délaisse quelque peu la guitare pour le piano. Force est de reconnaître la beauté de la mélodie. De plus, Young chante mieux que jamais sur cet album (sur les albums suivants, ça se gâtera).

"A Man Needs A Maid" a été écrite par Neil Young pour sa nouvelle femme. Paroles ridicules. Prenons Young au mot : à quel niveau les êtres humains (« men » et « maids » confondus) sont-ils rabaissés ? L'accompagnement de piano a été renforcé par un orchestre symphonique. On tique un peu. Un peu beaucoup...

"Heart Of Gold", un peu plus rapide que les chansons précédentes, est un des sommets de l'album. On y entend toujours l'harmonica et la pedal steel. Bob Dylan aurait voulu l'avoir écrite... Que dire de plus ? Les critiques prétendraient-ils donner des leçons de bon goût à Bob Dylan ?

"Are You Ready For The Country" : une assez bonne chanson avec piano country et slide guitar. David Crosby et Graham Nash aux chœurs.

"Old Man" est un chef d’œuvre d'arrangements : magnifique intro de guitare de Neil Young, qui joue avec les septièmes et les neuvièmes, basse profonde dans le même style que sur "Out On The Week-End", refrain gorgé de chœurs sur lequel résonnent la pedal steel de Jack Nietzsche et le banjo de James Taylor...

"There's A World" : fausse note. Après "A Man Needs A Maid", voici la deuxième chanson orchestrale de l'album. On tombe dans le style pompier.

"Alabama" : première chanson à dominante électrique. Chœurs un peu massifs sur le refrain.

"The Needle And The Damage Done" est une chanson courte, mais qui constitue sans conteste le sommet de l'album. Splendide intro acoustique dans le plus pur style Loner. "Chaque drogué est un soleil couchant..." Cette mise en garde contre les dangers de l'héroïne apparaît avec le recul prémonitoire puisque Neil Young plongera dans une sévère dépression l'année suivante après la mort par overdose de Danny Whitten (ainsi que de Bruce Berry).

"Words (Between The Lines Of Age)" : deuxième chanson à dominante électrique. Le fait que les mesures à deux temps et à trois temps s'enchaînent irrégulièrement lui donne un certain intérêt musical. Hélas, la mélodie manque de brillance... Et Neil Young se lance dans un de ces solos électriques hésitants dont il a le secret... mais qui ne parvient pas à prendre son envol et s'avère longuet. Je n'aime pas beaucoup cette chanson.

Faisons les comptes. Essayons d'être objectifs. Trois titres sur dix déplaisants. Sans compter qu'une chanson comme "Alabama" n'est pas exempte de fautes de goûts... Si je ne fonctionne qu'à l'objectivité, alors je biffe cet album de ma liste et je n'en parle pas ici. Ce à quoi il a donné naissance est d'ailleurs épouvantable : le country-rock commercial des Eagles, de Linda Ronstadt (qui est présente dans les chœurs de cet album), etc.

Mais hey ! On parle de Neil Young, qui a eu une carrière exemplaire, et dont les meilleurs albums comportent toujours quelques imperfections. Je ne sais pas pourquoi : on est porté à lui pardonner... Même ses ratages sont attachants. Particulièrement celui-ci où il se prend d'affection pour la musique du sud...

De plus, un rapide tour du net montrera à n'importe qui que cet album, très accessible, est la porte d'entrée évidente à la musique de Neil Young. Ca accroche tout de suite l'oreille... Si donc Harvest peut donner envie aux lecteurs de découvrir ensuite les albums les plus aventureux du Canadien, on signe tout de suite. Parmi ces albums plus "difficiles", on peut conseiller Tonight's The Night, dramatiquement sombre, où Neil Young chante d'une voix cassée. Mais le lecteur est prévenu : là comme ailleurs, il y a quelques temps faibles... 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr