Fire Of Love - Gun Club (1981)


1. Sex Beat
2. Preaching the Blues
3. Promise Me
4. She's Like Heroin to me
5. For the Love of Ivy
6. Ghost on the Highway
7. Jack on Fire
8. Black Train
9. Cool Drink of Water
10. Goodbye Johnny

 

Le Gun Club, c'est sûrement ce qu'il y a eu de plus grand sur la Côte Ouest des Etats-Unis pendant la période punk. A l'énergie angéline et aux postures punk, le Texan Jeffrey Lee Pierce, fondateur et âme de ce groupe, ajoute l'esprit du blues du Delta. C'est que Jeffrey Lee Pierce a beaucoup voyagé... Il a traversé tout le pays, s'arrêtant notamment sur les terres de Robert Johnson, Charley Patton et Blind Willie Johnson, avant d'échouer en Californie, qui le fascinait par son côté décadent et suicidaire.

A l'écoute, près de trente ans après sa parution, de Fire Of Love, le gigantesque premier album du Gun Club, on ne peut qu'être impressionné par le son : la violence que nous renvoie la batterie frénétique, les guitares de Kid "Congo" Powers (ancien punk) et surtout, bien sûr, la voix hantée de Jeffrey Lee Pierce. On comprend que le Gun Club ait été souvent comparé aux Doors, les grands anciens de Los Angeles : il y a la même noirceur, le même glissement dans une catharsis magique... Et les deux groupes se sont constitués comme des excroissances autour de leurs cinglés de chanteurs, dont ils essaient de transcrire les visions en musique. Pour ceux qui ne le sauraient pas : Jim Morrison et Jeffrey Lee Pierce partageaient également la même prodigieuse descente (deux bouteilles de bourbon par jour pour Jeffrey Lee Pierce) qui les ferait rapidement déchoir de leur trône.

Ecoutez le Gun Club : cette musique est hantée, et rarement voix suscite aussi vite l'adhésion que celle de Jeffrey Lee Pierce. Les guitares sont mixées très en avant, comme dans la musique des Cramps, autre grand combo californien de l'époque (à la différence près que le Gun Club possédait un bassiste). Le Gun Club avait d'ailleurs noué des rapports très amicaux avec les Cramps, tant et si bien que certains critiques ont assimilé (un peu vite) le Gun Club au mouvement psychobilly. Une des chansons de Fire Of Love, "For The Love Of Ivy", est une ode fétichiste adressée à Poison Ivy, la flamboyante rouquine des Cramps.

Les autres morceaux se présentent comme des chaudrons bouillonnants, dans lesquels ont été versés les guitares du punk tout comme la slide empoisonnée du blues sudiste : "Sex Beat", "She's Like Heroin To Me"... Cette dernière chanson repose sur un double-sens dans lequel entre, bien sûr, la drogue, l'héroïne.

Certaines chansons intègrent opportunément le rythme de la cavalcade : le fantastique "Ghost On The Highway" ou "Black Train", où Jeffrey Lee Pierce hulule comme un possédé.

L'album comporte deux reprises : "Preaching The Blues" de Robert Johnson, dans une version démente, et "Cool Drink Of Water", beaucoup plus lente, avec une formidable guitare claire, qui lance périodiquement des cris de détresse. "Promise Me" semble tout aussi enlisée : lente, accompagnée par un violon fixe...

Il faudrait tout citer... et je le fais : "Jack On Fire" a un riff obsédant, qui ne laisse la place de temps à autre qu'à une courte respiration, où retentit la voix d'adorable égaré de Jeffrey Lee Pierce ; enfin, "Good Bye Johnny" est un bel hommage à John Lennon, mort quelques mois avant la sortie de Fire Of Love.

Jeffrey Lee Pierce était un mensch, comme disent les ashkénazes. Sa musique destinée à être sauvage n'a jamais été mieux servie que sur cet album : production sèche, sinon garage. Sur Miami, publié en 1982, le son sera beaucoup plus propre, beaucoup plus poli. Pas adapté à une musique brute comme celle-là...

On remarquera que le son du premier Gun Club (et des Cramps) a fait beaucoup d'émules. Ne cherchez pas d'où les White Stripes ou encore The Jon Spencer-Blue Explosion tirent leur inspiration ! 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr