Entertainment! - Gang Of Four (1979)


1. "Ether" – 3:52
2. "Natural's Not in It" – 3:09
3. "Not Great Men" – 3:08
4. "Damaged Goods" – 3:29
5. "Return the Gift" – 3:08
6. "Guns Before Butter" – 3:49
7. "I Found That Essence Rare" – 3:09
8. "Glass" – 2:32
9. "Contract" – 2:42
10. "At Home He's a Tourist" – 3:33
11. "5.45" – 3:48
12. "Anthrax" – 4:23

 

Un documentaire (The Children Of Gang Of Four) diffusé par l'horrible chaîne américaine VH1 l'a rappelé récemment : sans Gang Of Four, il n'y aurait eu ni Red Hot Chili Peppers ni Rage Against The Machine ni... Franz Ferdinand. Tous ont été marqués profondément par les guitares cisaillantes de Andy Gill et par le chant tantôt rageur tantôt détaché de Jon King.

Grand groupe, incontestablement, que Gang Of Four, et ce dès le premier single, "Damaged Goods", qui sortit en 1978 chez le label Fast Product. Impact considérable. "Damaged Goods" fut le premier d'une longue série de singles froids et inquiétants qu'accueillit ce label.

A la froideur de la vogue new wave naissante, Gang Of Four ajoutait l'agressivité et le groove du funk. C'est que les membres du groupe se voulaient agressifs. Ces intellos-là (ils s'étaient rencontrés à l'université de Leeds) avaient lu Guy Debord et avaient d'ailleurs nommé le groupe "Gang Of Four" en référence à l'ultragauchiste bande des quatre qui terrorisa la Chine à la fin des années 70. Les paroles de Gang Of Four sont donc engagées, et donnent volontiers dans le slogan ironique : "I Found That Essence Rare". Il faut s'imaginer Jon King, pour ceux qui ne le connaissent pas, comme un Zack Da Rocha d'autant plus efficace qu'il chante de façon plus contenue.

Mais ce qui demeure le plus frappant, près de trente ans après les premiers éclats du groupe, c'est le jeu de guitare saccadé d'Andy Gill. Comment ce type a-t-il pu produire de tels bruits avec son instrument en 78-79 ? Il a dit s'être inspiré du style à la mitraillette de Wilko Johnson (de Dr. Feelgood). Mais, si influence il y a eu, elle a été complètement dépassée. Andy Gill joue comme un épileptique, avec des frottements de cordes à la manière funk, mais aussi avec des notes dissonantes (au moment même où se constitue à New-York le mouvement bruitiste no wave).

Pour juger de l'extravagance du jeu d'Andy Gill, il faut peut-être écouter, pour commencer, "At Home He's A Tourist". La guitare crunchy vibre sous le delay et agresse comme un flingue. Précisons, à l'adresse des popeux qui s'inquiéteraient, que le travail sonore n'empêche pas cette musique de demeurer mélodieuse.

L'album Entertainment !, sorti à la fin de l'année 1979, regroupe le meilleur de Gang Of Four. Depuis la chanson d'ouverture, "Ether" (un plaidoyer contre l'occupation de l'Irlande du Nord par l'armée britannique), jusqu'à l'impressionnant "Anthrax", c'est un festival guitaristique. Sur le dernier titre, un buzz dominé par un feedback de guitare hendrixien se fait entendre pendant plus d'une minute ; puis Jon King commence à chanter, pendant que le guitariste Andy Gill lit une sorte de manifeste anti-amour. Les deux voix se rejoignent pour un refrain qui proclame que "l'amour est comme l'anthrax : c'est quelque chose que je ne veux pas attraper". Cette chanson cynique est sans doute une des plus célèbres du répertoire du gang.

La musique de Gang Of Four, inspirée (entre autres) par le funk, fait naturellement la part belle à la basse. Les lignes de basse sont groovy au possible. Ecouter par exemple le très dansant "Not Great Men".

Les chansons se succèdent... Toutes accrochent l'auditeur de quelque façon : les mélodies du très fort "Damaged Goods", le refrain de forcené de "Guns Before Butter", le riff tendu de "Contract", le clavier indigent et désespéré de "5:45" ou le slogan "The corpse is a new personnality" chanté en choeur, robotiquement...

Gang Of Four, c'est un peu le pendant anglais de Television : un groupe qui part du punk pour le transcender en produisant une musique intelligente et extraterrestre. Un groupe qui a a réussi aussi bien en studio que sur scène avant de se dissoudre. Irréprochable et essentiel. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr