Blood On The Tracks - Dylan, Bob (1974)


1. "Tangled Up in Blue" – 5:42
2. "Simple Twist of Fate" – 4:19
3. "You're a Big Girl Now" – 4:36
4. "Idiot Wind" – 7:48
5. "You're Gonna Make Me Lonesome When You Go" – 2:55
6. "Meet Me in the Morning" – 4:22
7. "Lily, Rosemary and the Jack of Hearts" – 8:51
8. "If You See Her, Say Hello" – 4:49
9. "Shelter from the Storm" – 5:02
10. "Buckets of Rain" – 3:22

 

Blood On The Tracks est l'incontestable sommet de la production dylanienne des années 70. Encore aujourd'hui, quand un critique veut faire l'éloge d'un nouvel album de Dylan, il l'accompagne invariablement de la mention "le meilleur album de Bob Dylan depuis Blood On The Tracks". Pour certains, l'album est même le meilleur album de Dylan, toutes époques confondues.

Il faut tout d'abord dire que la production en est remarquable. Blood On The Tracks regorge de guitares acoustiques luxuriantes. C'est beaucoup moins blues que les grands albums des années 60, comme Highway #61 et Blonde On Blonde. A l'écoute de cet album, il me semble que Dylan était parvenu à son apogée, tant au niveau de la musicalité qu'au niveau de l'expressivité du chant.

C'est la deuxième chose à dire : la sortie de Blood On The Tracks est intervenue au cours d'une période particulièrement créative de la vie de Dylan. Une véritable seconde jeunesse. Il joua dans des films, contribua à des B.O. de grande qualité... C'est ainsi qu'en 1973, pour Pat Garrett & Billy The Kid, un excellent film de Peckinpah, Bob créa la chanson "Knockin' On Heaven's Door". En 1975, il créa "Hurricane", retrouvant les enthousiasmes militants de jadis (c'est une chanson de soutien à Rubin Carter).

Parlons des circonstances qui ont présidé à la naissance de Blood On The Tracks. Dylan s'était rendu à New-York auprès d'un grand peintre, afin de se perfectionner dans ce domaine. Cette expérience, qui ne devait durer qu'un jour, se prolongea au-delà de deux mois, et marqua Dylan en profondeur. Son écriture changea. Très inspiré, il écrivit rapidement les dix titres composant Blood On The Tracks (ainsi que "Up To Me") et il alla les enregistrer à New-York.

Les deux premiers sont de très grandes réussites musicales. "Tangled Up In Blue", qui fait un excellent usage des renversements d'accords, est un bel exemple d'écriture "multi-dimensionnelle" défiant les notions d'espace et de temps. Dylan mêle le présent et le passé, pour une histoire qui s'y prête particulièrement : il s'agit d'une rupture amoureuse, ce qui favorise évidemment l'émergence des souvenirs. Ce type d'écriture a été inspiré à Dylan par la peinture, en l'occurrence par la peinture cubiste. "Simple Twist Of Fate", basée sur une merveilleuse descente d'accords, raconte de façon très picturale une séparation. Sujet récurrent, observerez-vous. C'est que Dylan avait rompu avec Sara (Sara avec qui il avait vécu quinze ans) peu de temps avant l'enregistrement de l'album.

"You're A Big Girl Now" : ballade, à l'instrumentation plus creuse, sur la fin d'une relation qui semble constituer une libération (oui !), même si demeure l'obsession du corps.

"Idiot Wind" est un nouveau "Like A Rolling Stone". Excellente chanson, vraiment, avec basse, excellente batterie, touches de Hammond... Dylan ne mâche pas ses mots puisque, parlant d'une fille idiote, il dit s'étonner qu'elle sache seulement comment respirer. Euh... Apparemment, il parle de Sara.

"You're Gonna Make Me Lonesome When You Go" : le titre parle de lui-même... C'est une belle chanson où la basse est seule à accompagner la guitare, comme pour "Simple Twist Of Fate".

"Meet Me In The Morning" est une chanson étonnante, vraiment. Dylan s'y s'approprie le blues de façon très personnelle, et c'est peut-être ma chanson préférée de l'album avec "Buckets Of Rain". Ceux qui disent avoir des difficultés à apprécier la musique de Dylan sont priés d'écouter cette chanson. Elle est emportée par un riff acoustique. Soutien d'une guitare électrique lead. "Buckets Of Rain" est une des chansons de Dylan qui a été la plus reprise. C'est la conclusion de l'album, et elle est beaucoup plus up-tempo que ce qui précède, en dépit d'un contenu plutôt dépressif. Chanson inspirée du blues, elle est jouée en open tuning, ce qui permet à Dylan de réaliser une performance guitaristique surprenante (il est seul à la guitare et est accompagné par une basse).

L'autre chanson up-tempo de l'album est "Lily, Rosemary And The Jack Of The Hearts". C'est une chanson allègre, avec section rythmique balancée comme dans une musique foraine. D'ailleurs, le Hammond est employé plus ou moins comme un accordéon. Cette chanson épique narre une histoire complexe, où interviennent plusieurs personnages : Lily, Rosemary... Il a d'ailleurs été envisagé de l'utiliser comme synopsis pour un film. Comme le titre l'indique bien, les références aux jeux de cartes imprègnent toute la chanson.

"If You See Her, Say Hello" : sur l'échelle du moral, celle-là représente le point le plus bas de l'album. Un ciel désespéré. La mélodie, naturellement, n'est pas démonstrative. Accompagnement en arpèges.

"Shelter From The Storm" : une grille harmonique simple mais très appropriée jouée en accords de guitare rapides, une mélodie expressive... Très bien. On note un regain d'optimisme.

Pas de temps faible, donc, dans Blood On The Tracks. En plus d'être dense, c'est un album émotionnel. Et un album bien produit : tout cela sonne très bien. Indispensable. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr