Imperial Bedroom - Costello, Elvis (1982)


1. "Beyond Belief" – 2:34
2. "Tears Before Bedtime" – 3:02
3. "Shabby Doll" – 4:48
4. "The Long Honeymoon" – 4:15
5. "Man Out of Time" – 5:26
6. "Almost Blue" – 2:50
7. "...And in Every Home" – 3:23
8. "The Loved Ones" – 2:48
9. "Human Hands" – 2:43
10. "Kid About It" – 2:45
11. "Little Savage" – 2:37
12. "Boy with a Problem" (Costello, Chris Difford) – 2:12
13. "Pidgin English" – 3:58
14. "You Little Fool" – 3:11
15. "Town Cryer" – 4:16

 

Declan MacManus, rebaptisé ridiculement Elvis par Jack Riviera, est certainement devenu une des personnalités les plus respectées de la pop music. Il n'en a pas toujours été ainsi... A ses débuts, à l'époque de My Aim Is True et de This Year's Model, il apparaissait comme un petit mec nerveux et agressif (punk oblige ?)... Cette période de provocations prendra fin avec ce qu'on peut bien appeler "l'affaire Costello" (des témoins crédibles l'accusèrent d'avoir qualifié Ray Charles de "nègre aveugle et ignorant").

Dans les années 80, Costello travaillera à regagner une crédibilité. Il le fera notamment en étendant sa palette musicale au-delà du raisonnable : country, jazz, musique dite classique... Ce n'était pas chose difficile pour Costello, qui avait toujours eu une connaissance encyclopédique de la musique, fût-elle populaire ou "savante".

Imperial Bedroom sortit en 1982. C'était le premier album de Costello qui ne fût pas produit par Nick Lowe. Costello s'en justifia : il craignait que Nick Lowe n'ait pas suffisamment de patience pour endurer les expérimentations nouvelles que Costello désirait aborder. Pour cette raison, il fit appel à Geoff Limerick, qui avait un pedigree plus que favorable (il avait été l'ingénieur du son sur Abbey Road). La science de Geoff Limerick et l'ambition de Costello donnèrent naissance à l'album le plus soigné et le plus produit de la carrière de ce dernier. Il n'y a qu'à écouter ... And In Every Home pour prendre conscience de l'atypicité de cet album, qui, au milieu des eighties synthétiques, fait figure de Sergeant Pepper's.

Les avis furent partagés. Certains fans trouvèrent cette musique ennuyeuse et moins percutante que ce que Costello avait fait à la fin des années 70. D'autres (une majorité) saluèrent la qualité du songwriting (aussi bien les paroles que les harmonies) et des arrangements. Le fait est que Imperial Bedroom est généralement très bien classé dans toutes les top lists visant à évaluer la musique des années 80.

C'est un album chargé (15 chansons). Que faut-il écouter tout d'abord ?

La plupart des personnes qui découvrent l'album en distinguent d'abord "Beyond Belief", la chanson inaugurale, une de celles qui apparaît la moins désuète, grâce au delay placé sur la guitare, à batterie de plus en plus présente, aux arpèges de synthé sur le refain... Peu de chansons dans la pop sont si subtiles rythmiquement. Les auditeurs vierges distinguent également "Man Out Of Time", à laquelle une intro avec guitares hurlantes, donne une puissance qui surprend au milieu d'un tel album. Très belle mélodie, par ailleurs.

Je crois, pour ma part, avoir été initialement sensible aux chansons aux arrangements les plus inhabituels : "Shabby Doll", qui démarre sur des accords de guitare fantômatique, avant qu'une science rythmique étonnante (où l'on sent des influences latines) ne propulse la chanson vers des sommets, et la magnifique "Almost Blue", un hommage très émouvant à Chet Baker (qui reprendra plus tard la chanson).

A partir du moment où Costello s'est refusé, pour cet album, à définir une couleur particulière avant le début des sessions, chaque chanson a hérité d'un habillage bien spécifique.

"Tear Before Bedtime" est bien de son temps, avec ses guitares alternativement funky et arpégées à la façon de la new wave. "Kid About It" a les atours d'une ballade soul ; c'est une des chansons qui justifie le plus qu'on ait pu parler de Costello comme d'un néo-crooner.

Les moments forts sont nombreux. "The Long Honeymoon" est une chanson de crooner, comme "Kid About It". C'est une merveille, arrangée de bout en bout avec un raffinement rare. Accordéon, batterie swing, cuivres, piano, solo de guitare sans une note superflue...

Plus nerveuse : "The Loved Ones". Extraordinaire, avec son chant méandreux mais rythmé comme du skat : "Human Hands". De telles chansons démontrent aux fans des Ramones que la connaissance intime de l'harmonie peut permettre d'atteindre des sphères inaccessibles aux amateurs. "Little Savage" a une basse agile et d'intelligents contre-chants. "Boy With A Problem", plus dépouillée que les autres chansons de l'album, met en évidence la ligne de basse, avec laquelle Elvis Costello (le chanteur) joue acrobatiquement...

Je n'ai pas parlé de la voix de Costello, qui a pu paraître faible à certains. A l'époque d'Imperial Bedroom, c'était devenu un instrument impeccable au service de l'expressivité. Voix parfaite pour le jazz, au demeurant. C'est souvent la fragilité apparente de cette voix qui apporte de l'émotion et contre-balance ce que ces chansons pourraient avoir de trop sophistiqué. Car sophistication il y a... Il est rare de trouver, dans la pop une telle complexité au niveau des harmonies et des arrangements. Pourraient être intéressés par cet album ceux qui se seraient lassés des mélodies banales (trop entendues ?) et ceux qui auraient aimé le meilleur de Steely Dan ou de XTC. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr