Goodbye & Hello - Buckley, Tim (1967)


1. "No Man Can Find the War" – 2:58
2. "Carnival Song" – 3:10
3. "Pleasant Street" – 5:15
4. "Hallucinations" – 4:55
5. "I Never Asked to Be Your Mountain" – 6:02
6. "Once I Was" – 3:22
7. "Phantasmagoria in Two" – 3:29
8. "Knight-Errant" – 2:00
9. "Goodbye and Hello" – 8:38
10. "Morning Glory" – 2:52

 

Tim Buckley est un musicien incontournable, un de ceux qui ne sauraient être absents de la moindre discothèque. De Goodbye & Hello jusqu'à Starsailor, il a accumulé les prouesses et les accomplissements, avant de tomber de son piédestal (massacré par le star system) et de succomber à une overdose. Jamais le surnom d'ange déchu n'aura été plus mérité.

Au cours de son exigeante carrière, Tim Buckley aura multiplié les incursions, toujours avec passion et sincérité. Il débute en 1966 par un album éponyme de folk-rock déjà très surprenant, avec une certaine liberté dans la voix et des arrangements relativement raffinés (on remarque Van Dyke Parks au piano). Certains textes sont écrits par Larry Beckett, poète et ami de Tim. Pour Goodbye & Hello, l'album que nous allons commenter, il mâtine son folk-rock d'arrangements baroques, qui donnent à certaines chansons un côté psychédélique ("Hallucinations"). Après ces deux albums qui le font connaître, Buckley se découvre une passion pour le jazz de Miles Davies. Sans jamais être arrêté par des considérations mercantiles, il tente une difficile fusion entre folk et jazz. Les deux albums qui en résultent, Happy/Sad et Blue Afternoon, sont de merveilleuses réussites. Autre passion : après le jazz, Tim Buckley s'enthousiasme pour la musique contemporaine de Xenakis et cie. Aussi, Lorca et surtout Starsailor figurent-ils parmi les albums les plus déroutants qui soient (avec le Trout Mask Replica de Captain Beefheart). La suite est plus triste. Brisé par l'insuccès, Buckley est contraint d'effectuer un virage funk... Les chansons lui manqueront, mais la virtuosité vocale demeurera.

De tous les grands disques de Tim Buckley, Goodbye & Hello est le plus facile d'accès. Même si la pulsation est un peu moins marquée que sur le très binaire premier album, cet album-ci n'est rien moins qu'un album de folk, sur lequel ont été plaqués des arrangements orchestraux. Je précise tout de suite, à l'adresse de ceux que cette idée d'orchestration pourrait inquiéter, que les arrangements sont très pertinents. C'est tout de même la crème de chez Elektra (Jerry Yester et Jac Holzman) qui est aux manettes...

Ce qui rend Goodbye & Hello supérieur au premier album, c'est aussi la qualité du chant. Tim Buckley commence à maîtriser pleinement cet instrument extraordinaire dont il a été doté (il pouvait parcourir cinq octaves). Chanter lui étant chose facile, il peut se concentrer sur l'expressivité. Et comme ici les chansons sont plus variées et arrangées avec plus de tact que sur le premier album, Goodbye & Hello se hisse à un sommet de suggestivité.

Certaines chansons sont tout bonnement extraordinaires.

"Hallucinations", par exemple, a une prosodie parfaite. Larry Beckett a déclaré que d'une façon générale, quand ils collaboraient, il travaillait d'abord au texte avant que Tim ne lui applique une mélodie. Or, ici, c'est l'inverse qui s'est produit. Tim a trouvé cette mélodie au rythme tortueux avant que Larry n'adapte un texte : "I saw you walking / Only yesterday...". Les arrangements hallucinatoires renforcent considérablement le pouvoir de la chanson.

"Once I Was" est une belle ballade à trois temps, où se fait entendre la sonorité mélancolique de l'harmonica.

"Phantasmagoria In Two" est pour moi, dans sa simplicité, une des chansons les plus émouvantes de Tim Buckley. Il la chante dans son registre aigu, d'une voix posée, belle... Il se crée là un personnage d'homme-lige, de chevalier errant (c'est d'ailleurs le titre de la chanson qui suit "Phantasmagoria In Two"), personnage qui n'est pas sans rapport, de surcroît, avec l'univers décrit dans la chanson-titre de l'album.

"Goodbye & Hello" : une chanson épique de plus de huit minutes, qui ne comporte pourtant aucun temps mort. Chaque couplet est arrangé différemment. L'orchestration est brillante, et Tim s'y révèle être davantage qu'un chanteur : un membre de la peu fournie confrérie des interprêtes.

La dernière chanson, "Morning Glory", est un des sommets du répertoire de Tim Buckley. C'est bien plus court que la chanson-titre. La mélodie est simple mais belle, soutenue par des choeurs magnifiques. Les paroles de Larry Beckett, qui évoquent un "hobo" (un vagabond), sont empreintes de la même simplicité.

Il faut écouter Tim Buckley. Il fit partie de la catégorie des purs, dans un monde musical où les considérations sont généralement toutes prosaïques. Je confesse, in fine, être suspect de partialité quand je parle de Tim Buckley, car j'apprécie le bonhomme (sa personne) autant si ce n'est plus que sa musique. Il n'avait que 21 ans quand il a enregistré Goodbye & Hello... 

              Damien Berdot
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