Secret Treaties - Blue Öyster Cult (1974)


1. "Career of Evil" – 3:59 - (A. Bouchard, P. Smith)
2. "Subhuman" – 4:39 - (E. Bloom, S. Pearlman)
3. "Dominance and Submission" – 5:23 - (A. Bouchard, E. Bloom, S. Pearlman)
4. "ME 262" – 4:48 - (E. Bloom, D. Roeser, S. Pearlman)
5. "Cagey Cretins" – 3:16 - (A. Bouchard, R. Meltzer)
6. "Harvester of Eyes" – 4:42 - (D. Roeser, E. Bloom, R. Meltzer)
7. "Flaming Telepaths" – 5:20 - (A. Bouchard, E. Bloom, S. Pearlman, D. Roeser)
8. "Astronomy" – 6:38 - (J. Bouchard, A. Bouchard, S. Pearlman)

 

Le troisième album de Blue Öyster Cult, d'une belle homogénéité, est encore plus impressionnant que le premier. Il contient huit chansons, toutes arrangées avec soin. Le titre est révélateur : chacun de ces chansons se mêle aux autres pour construire un univers inquiétant, avec des sociétés secrètes et des psychopathes nazis au bout du fil. La chanson "ME 262" met en scène un pilote de la Luftwaffe félicité par Goering et Hitler en personne. L'image du bombardier (un Messerschmitt ME262, comme indiqué dans le titre de la chanson) est reproduite sur la pochette de l'album. Tout cela, joint à une imagerie mystérieuse (le fameux logo du groupe), a contribué à lester Blue Öyster Cult d'une réputation de nazisme. Réputation évidemment calomnieuse, la plupart des musiciens du groupe étant juifs.

Secret Treaties est le dernier album de ce qui a été par la suite appelé la trilogie de Blue Öyster Cult. A cette époque, les musiciens composaient tous ensemble ; par la suite, ils écriront leurs chansons séparément, ne collaborant que pour le travail d'arrangements. Ils y perdront la compacité de leur musique. Ils donneront même dans le hard FM, genre méprisable s'il en est.

De tous les albums de la trilogie, Secret Treaties est celui qui a été le plus consciencieusement produit. Le deuxième, Tyranny And Mutation, a été à mon sens un peu bâclé. Les chansons, d'ailleurs, en avaient été écrites sur la route, à la hâte.

Si vous voulez savoir à quoi ressemble un groupe de hard rock accompagné par un Hammond (le Hammond des Doors, entre autres), alors il vous faut absolument Secret Treaties. Le son a très bien vieilli et confère un pouvoir d'attraction certain à cette musique.

Prenons l'exemple de "Career Of Evil". Cette chanson, co-écrite par Patti Smith, est emmenée par un riff de guitare irrésistible, doublé au Hammond. Wouah ! quel son ! "Careert Of Evil" a d'ailleurs été sortie en single.

Enchaînement parfait avec "Subhuman". Le riff est de ceux qui évitent l'écueil du spectaculaire pour privilégier le côté épique permettant de construire une bonne chanson.

"Dominance And Submission" est une de mes chansons préférées de l'album. Elle a tout d'abord un excellent riff. Et elle a surtout une coda où on touche au génie. La voici décrite en quelques mots : un crescendo très évocateur, où se rencontrent Hammond hallucinatoires, bribes de guitare, voix scandant alternativement les mots "Dominance" et "Submission", avec des choeurs en écho...

"ME262", la chanson scandaleuse, pourrait a priori faire redouter une banale musique de blues-rock. Mais la deuxième partie des couplets louche du côté des Beach Bots, pendant que le refrain est typique de Blue Oyster Cult : les instruments mélodiques s'interrompent pour laisser la place aux tambourinements d'Albert Bouchard ; Eric Bloom, lui, flirte avec le talk-over. La façon dont les musiciens imitent les oscillations des sirènes pendant ce qui sert de pont est assez remarquable.

"Cagey Cretins" est sans aucun doute la chanson de l'album la plus faible. Ces choeurs aigus répétant "Ooo cageys - what you got"... le talk-over d'Eric Bloom... Ce n'est pas génial du tout, même si ça s'intègre bien au reste de l'album. Le refrain rattrape un peu les choses, le pont est carrément quelconque, le solo (comme toujours) s'écoute très bien...

"Harvester Of Eyes" ouvre une série de trois excellentes chansons sur lesquelles se referme l'album. Le riff est génial (et très bien utilisé), les notes de guitare étouffées permettant de faire monter la sauce avant d'envoyer les couplets sont tout aussi géniales...

"Flaming Telepaths" est sans doute la chanson qui marque le plus à la première audition de cet album. Des bruits de boîte à musique. Un excellent riff avec basse descendante et guitare saturée, accompagné par un piano martelé du plus bel effet. Couplet mélodieux. Refrain chanté en choeur. Et Buck Dharma donne ici quelques-uns de ses solos remplis de chromatismes les plus convaincants. C'est un des guitaristes les plus inventifs de tout le hard rock des années 70.

"Astronomy" est une ballade dotée d'une belle partition de piano, et remarquablement chantée par Eric Bloom. Elle sera reprise par Metallica. Mais sans la finesse des New-Yorkais du Cult (force est de le reconnaître).

L'impression générale est celle d'un groupe euphorique. Chansons constamment inventives, section rythmique très solide, solos-arabesques de Buck Dharma... Cet album est chaudement recommandé ! Il a d'ailleurs été élu en 1975 par les critiques du Melody Maker comme le "Top Rock Album of All Time". A cette époque, Blue Öyster Cult était considéré comme le groupe qui apportait une dose d'intellect au heavy metal

              Damien Berdot
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