VU - Velvet Underground (The) (1985)


1. "I Can't Stand It" – 3:21
2. "Stephanie Says" – 2:49
3. "She's My Best Friend" – 2:47
4. "Lisa Says" – 2:53
5. "Ocean" – 5:10
6. "Foggy Notion" – 6:41
7. "Temptation Inside Your Heart" – 2:30
8. "One of These Days" – 3:50
9. "Andy's Chest" – 2:49
10. "I'm Sticking with You" – 2:26

 

Ce disque regroupe l'essentiel des titres qui auraient dû figurer sur le lost album du Velvet. Cela mérite quelques explications : en 1969, au moment de la parution de The Velvet Underground, le Velvet travaillait sur un quatrième album. Mais un changement de management au sein de MGM Records amena la compagnie à se débarrasser de tous les groupes ayant une image trop sulfureuse. Le Velvet, évidemment, fit partie de la première charrette... Non seulement les quatorze titre déjà enregistrés ne furent pas publiés, mais interdiction fut faite à Reed de récupérer les bandes afin de les publier sous un autre label.

Ce n'est qu'en 1985 que les morceaux ont émergé. Et leur impact a vraiment été extraordinaire. J'ai souvenir, suite à cette sortie officielle, d'avoir lu un peu partout des articles sur le Velvet, etc. Du coup, le premier album du Velvet que j'aie possédé, ça aura été celui-ci. Et l'on ne me fera pas croire qu'un groupe comme Belle & Sebastian, aussi pop fût-il, ne connaissait pas sur le bout des doigts son V.U. album, avant l'enregistrement de If You're Feeling Sinister. Cet album est le Basement Tapes des années 80.

Est-ce vraiment un album ? Il y a eu un travail de sélection. Les huit chansons reprises des sessions de 69 sont indéniablement les meilleures parmi celles qui étaient disponibles. Celles qui n'ont pas passé la rampe se sont retrouvées sur Another View, publié plus tard et qui, pour le coup, ressemble vraiment à un assemblage de rebuts. Ce travail de sélection est tout à fait logique. Le Velvet eût sans aucun doute accompli lui-même ce travail, afin d'aboutir à une track list de dix ou onze titres. Pour mémoire, le troisième album comportait dix chansons.

Mais deux des titres retenus ne datent pas de 1969 : ils datent d'une époque ultérieure, à un moment où John Cale était encore présent. Il s'agit de "Temptation Inside Your Heart" et de l'extraordinaire "Stephanie Says".

Nul doute, cependant, que Lou Reed avait encore ces titres en tête, en tout cas au moins "Stephanie Says" qu'il reprendra en 1973 dans son album mythique Berlin, sous le nom de "Caroline Says".

Des reprises, il y en a eu beaucoup. Les amateurs de Lou Reed connaissent bien certains de ces titres, puisqu'il les a réinterprétés, dans des versions inférieures ("Andy's Chest" excepté) : "I Can't Stand It Anymore", "Lisa Says" et "Ocean" sur son premier album Lou Reed, "Andy's Chest" sur Transformer et "She's My Best Friend" sur Coney Island Baby.

La différence de classe entre le "I Can't Stand It" façon Lou Reed 1972 et celui du Velvet, propulsé par le moteur Tucker/Morrison, est patente. Cette chanson, avec ses deux guitares frénétiques, est une attaque sonore. C'est que Lou Reed en a marre de vivre avec "treize rats morts" : il ne peut plus le supporter...

"Stephanie Says", comme nous l'avons dit, date de l'époque John Cale. Ce fut la dernière tentative du duo Cale/Reed de produire un single professionnel, dans la lignée de "Sunday Morning". Comme cette dernière, "Stephanie Says" est agrémentée d'un celesta joué par John Cale. Pour le reste, c'est incomparable. Je ne connais rien de plus tendre ni de plus réussi dans le genre de la ballade. Le violon de John Cale, pour une fois employé dans un style consonant, et les choeurs magnifiques, ajoutent encore à la beauté de cette chanson.

Ces deux premiers titres donnent une idée du niveau d'ensemble.

"Lisa Says" : le pendant de "Stephanie Says". C'est une chanson bouleversante, aux accents plus sombres que la précédente. La voix de Reed se brise sur le refrain. Les arrangements sont de première catégorie, avec guitare et piano. Un sommet dans la production du Velvet.

"Ocean" est une chanson sur laquelle les sorciers du Velvet se sont longuement penchés. Elle démontre toute l'étendue de leurs pouvoirs suggestifs. Il existe sur le coffret Peel slowly and see une version de la chanson qui est peut-être définitive. Cette version-ci demeure très intéressante. Les vagues de cymbales et les choeurs, par leur seule présence, donnent à voir la mer.

"She's My Best Friend" est une bonne chanson de rock, proposant une coda en choeur et une guitare lead très bluesy. Il faut dire que Sterling Morrison s'impose sur ces titres comme un excellent soliste.

"Foggy Notion" en est une autre illustration. C'est là que le Velvet a le mieux capturé l'esprit de ses concerts. Après un plan en pentatoniques cinglant, la rythmique démarre : batterie de Moe Tucker qui claque, guitare rythmique funky... Les solos sont crunchy, et Lou Reed chante avec une liberté enivrante, allant même jusqu'à se marrer... Les Rolling Stones firent partie des influences des hommes du souterrain à leurs débuts, mais ils sont à présent surpassés. Les paroles ? Ca parle de sadisme.

"Temptation Inside Your Heart" est clairement la chanson la plus faible de l'album. Elle demeure intéressante rythmiquement, avec son enchevêtrement de percussions. Le plus surprenant, c'est que le son est très proche de celui de "Foggy Notion" : trait d'union tiré entre l'époque John Cale et l'époque Doug Yule.

"One Of These Days" est pour moi le sommet musical de l'album. C'est une splendeur aux faux-airs de chanson country, qui suinte les pesanteurs du sud via des coulures de bottleneck fascinantes. Il faut écouter cette coda... Je crois bien qu'on en entend les résonances jusque dnas la musique des Stone Roses.

"Andy's Chest", moins jazz que la version de Transformer, jouit d'une rythmique nerveuse et d'une basse en octaves brisées sur le refrain. Toujours la guitare libre de Sterling Morrison... Les paroles sont dylanesques.

"I'm Sticking With You" : un beau petit numéro désuet avec accompagnement de piano, inspiré certainement par les opérettes de Broadway. C'est Moe Tucker qui chante, et à un moment Lou Reed lui répond. La chanson s'achève sur une ample coda avec choeur et orgue-harmonium...

Le dirons-nous ? Ce disque-là est peut-être le plus bel accomplissement du second Velvet Underground. Il capture le groupe au plus près de son intimité. Il est plus varié que The Velvet Underground. Et il est meilleur, tout simplement, que Loaded, qui comporte trop de moments faibles pour être considéré comme essentiel. 

              Damien Berdot
© D. BERDOT - dberdot@yahoo.fr