Après avoir quitté le Velvet Underground le 23 août 1970, épuisé par les excès et lassé des manigances du manager Sesnick, Lou Reed disparut pendant un an de la planète musicale. Ce fut David Bowie, admirateur de longue date du Velvet Underground, qui le prit en main et lança sa carrière solo.
Un premier album sortit au début de l'année 1972 mais, bâclé, il ne rencontra aucun succès. Pour Transformer, Bowie décida de s'occuper lui-même de la production. Il dépêcha, pour ainsi dire, ses équipes techniques : Mick Ronson et les Spiders Of Mars. Toute l'expérience acquise dans la réalisation de Ziggy Stardust fut ainsi réinvestie dans Transformer. Mais ce dernier, bénéficiant des qualités de songwriter de Lou Reed, est sans doute meilleur.
C'est un album glam que Transformer : Lou Reed apparaît sur la pochette les yeux cerclés de noir et maquillé outrancièrement. Les guitares sont fortes ; il y a du piano et des cordes quand il le faut. Ca pourrait paraître "too much" ; dans les faits, ça passe fort bien.
Plusieurs des meilleures chansons de Lou Reed se trouve sur cet album. Il y a tout d'abord "Walk On The Wild Side", le plus grand succès de Lou Reed, un titre qui (dixit lui-même) lui a permis de payer ses impôts. Etant donné le sujet pour le moins sensible (une virée dans les milieux les plus "déviants" de New-York), ce succès est étonnant. La musique en est responsable. La ligne de basse profonde du virtuose Herbie Flowers, les choeurs ("Toop-Too-Doop...") et le formidable solo de saxo, tout concourt à faire de ce titre une réussite.
Pendant longtemps, "Walk On The Wild Side" fut le point culminant irremplaçable des concerts de Lou Reed. Mais une chanson a petit à petit fait son trou au point de devenir légendaire : il s'agit de "Perfect Day". Cette chanson très émouvante, popularisée par la B.O. du film Trainspotting, est vraiment un must. C'est Mick Ronson qui est au piano.
Il ne fait pas de doute que ce dernier a eu un rôle crucial dans l'élaboration de l'album. Il serait bien qu'on n'oublie pas Mick Ronson. Il a propulsé la carrière de Bowie à des hauteurs que celui-ci n'a jamais retrouvées depuis. Hunky Dory et Ziggy Stardust sont nettement supérieurs aux autres albums de Bowie (avec discussion possible, éventuellement, pour les albums berlinois qui étaient produits par un autre génie, Eno). Quant à Transformer, c'est incontestablement le meilleur album de Lou Reed. Berlin mise trop sur le concept ; et Coney Island Baby est moins bon, tout simplement.
Mick Ronson, par une production claire, l'adjonction de choeurs et une partition de piano éclatante, a boosté des titres de Bowie comme "Life On Mars?". Il fait de même ici avec "Satellite Love", une merveilleuse chanson (avec son refrain aux chœurs sautillants), une oasis de tendresse dans un erg sombre et torturé. Rick Wakeman (de Yes) est au piano. La chanson a gagné une nouvelle popularité depuis que U2 l'a (mal) reprise.
Enfin, "Vicious", qui ouvre l'album, est une autre chanson-phare dans la carrière de Lou Reed. Les paroles sont bien entendues délicieusement vicieuses. Et la chanson est cisaillée en cadence par une terrible guitare fuzz. Jamais entendu une guitare pareille...
Le reste, sans atteindre de tels sommets, demeure bon. "Andy's Chest" n'est pas inconnue des oreilles velvetiennes : on peut la trouver sur V.U. C'est la seule fois qu'une reprise du Velvet par Lou Reed en solo est du niveau de la version originale. Sur les couplets : la même guitare subtilement inspirée par le jazz que "Walk On The Wild Side". Quant aux refrains, ils ont une batterie coupante comme du verre et un riff de guitare descendant puis jeté avec dédain.
"Hangin' Round" est un morceau de blues-rock entraînant. "Make Up" : chanson originale, lente. Un tuba (!) s'y fait entendre. "Wagon Wheel" est une bonne chanson qui plaira aux amateurs de "Vicious". Toms proéminents, comme on aime. Dans ce même style, on a "I'm So Free", qui est tout de même un peu moins bonne. Cette chanson est surtout typée glam, du fait de ses choeurs féminins et de la guitare électrique spectaculaire. "New York Telephone Conversation" et "Goodnight Ladies" sont deux chansons que je suis content de trouver sur cet album, car elles sont très new-yorkaises. La première est accompagnée par un piano de cabaret. "Goodnight Ladies" est une chanson de noctambule aviné, avec tuba balancé pour l'accompagnement et clarinettes jazzy suggestives. Conclusion pittoresque à un excellent album.
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