The Soft Parade : pas si mal que ça !

Publié le 05/02/08

Il est d'usage de considérer que Waiting for the Sun, album de la désillusion ("Summer's Almost Gone"), marque aussi un certain affaissement musical. Une lecture de la notule que Michka Assayas consacre aux Doors dans son (par ailleurs excellent) Dictionnaire du rock suffit à le confirmer : "disque moins intense", "Morrison se fait volontiers crooner"...

C'est pourtant sur Waiting for the Sun que l'on rencontre les chansons les plus simplement belles et touchantes des Doors : "Summer's Almost Gone", "Love Street", "Wintertime Love", "River Knows"... J'ai déjà défendu cet album dans une notice de la rubrique "Essentiels". Du reste, je crois qu'il a moins besoin d'être défendu que son successeur, The Soft Parade, qui se fait régulièrement descendre en flammes du fait de sa production pompeuse. Le "moins bon album des Doors", ai-je pu lire assez souvent..



Le moins bon album des Doors, The Soft Parade l'est certainement... Mais il mérite mieux que du dédain. On parle quand même des Doors, bon sang ! Cet album contient la mini-suite la plus construite que les Doors aient jamais réalisée (la chanson-titre, peut-être meilleure que "The End" ou "When the Music's Over"). "Wishful Sinful" : belle chanson mélancolique...

Mon but n'étant pas ici de lister toutes les chansons de l'album, je m'attarderai en détail sur une seule d'entre elles, "Shaman's Blues", peut-être la plus grande réussite de tout le répertoire des Doors.

L'introduction est spectaculaire : un glissando de Hammond s'effondre sur une note abyssale jouée sur le fameux Fender Bass de Manzarek. La profondeur est celle de l'inoubliable "Don't Talk" de Brian Wilson.

La batterie : elle a le swing habituel à Densmore (et qui manque tant aux batteurs de rock d'aujourd'hui)... Mais il faut surtout écouter la façon dont ont été mixées les cymbales : en avant, avec de la réverb. Effet de transe garanti.

La mesure ? C'est une valse, mais une valse boiteuse : seul le deuxième temps est marqué... et quand arrive la basse, le déséquilibre devient total : cette ligne de basse, spontanément, serait jouée à deux temps par la plupart d'entre nous. Essayez de faire la battue, à la main, et je suis sûr que vous en conviendrez... Les deux dernières notes de la ligne devraient être comptées "un" et "deux"...

Le riff de basse sera répété obsessionnellement tout au long de la chanson, un peu comme dans une passacaille, renforcé par le Hammond et par la guitare de Krieger (éclatante, pleine du sustain de la SG, frisant toujous la saturation), qui ne reproduit pas exactement le motif de Hammond mais qui s'en rapproche très fortement.

Valse ? Passacaille ? C'est aussi au blues, qu'il faut se référer : la grille harmonique le rappelle bien évidemment, avec la montée classique à la sous-dominante... Pourtant, ce n'est pas exactement une grille de blues.

Cette chanson est éminemment doorsienne : Morrison chante dans son plus pur registre de baryton, concluant la chanson par des segments mi-parlés ad lib ; le son de l'orgue de Manzarek tire sur celui du Clavinet un peu comme dans "Wintertime Love" ; le solo de Krieger est sale (voir comment il démarre, à 2:30) et lumineux ; les paroles convoquent le shamanisme...

Ce n'est décidémment pas le produit d'un groupe en déclin. Ce qui me convainc que les Doors, en 1969, étaient à l'apogée de leur potentiel créatif, ce sont les bonus tracks proposés dans la réédition du 40ème anniversaire. "Whiskey, Mystics and Men", une chanson de marin, comme Morrison avait toujours voulu en faire (la marque du père ?), bénéficie d'arrangements magnifiques. Et "Who Scared You", sortie en face B de "Wishful Sinful", est une forme de blues psychédélique, à l'instar de "Shaman's Blues" (même si moins brillante, naturellement).

Bref, après 1969, les Doors produiront deux disques très influencés par le blues ; mais l'ambition psychédélique sera mise de coté. En partie dans Morrison Hotel (rehaussé par le splendide "Waiting for the Sun", datant - ne l'oublions pas - de sessions de 1968). Totalement dans L.A. Woman (qui, s'il contient des pépites, comme tout disque des Doors, est à mon sens surfait en raison de sa valeur historique - le dernier album avant la mort de Morrison).
                      D.B.
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