Richard Hell & the Voivoids

Publié le 20/12/07

Dans la famille du punk new-yorkais, je demande le père. Non pas le grand ancètre (Johnny Thunders) ni le rejeton sophistiqué (Tom Verlaine), mais le père : Richard Meyers, dit Richard Hell. Car celui-ci, outre qu'il a incarné mieux que quiconque le punk new-yorkais, a su écrire des hymnes à la jeunesse et à la liberté qui ont résisté aux assauts du temps (là où tant de groupes punk apparaissent aujourd'hui inécoutables).



Qu'est-ce qui rend Richard Hell incontournable ?

C’est d’abord un personnage historiquement important. Il a été le complice de Tom Verlaine, avec qui il a publié un recueil de poésie, co-fondant ensuite Television. Tout laisse à penser que c'est lui qui a été l'initiateur du style de chant étranglé, à la fois désinvolte et insolent, qu'on associe à Tom Verlaine. Hell a aussi été l'initiateur du look punk : cheveux en crête coupés au sécateur, tee-shirt déchiré, épingles à nourrice... En le voyant, Malcolm McLaren lui proposera aussitôt de devenir le leader d'un groupe qu'il voulait mener au sommet (les Sex Pistols) ; Hell déclinera, mais McLaren n'oubliera rien de ce qui l'avait frappé chez Hell. On connaît la suite...

Mis à l'écart de Television, il co-fondera les Heartbreakers avec Johnny Thunders, autre grande figure new-yorkaise. Sa présence scénique étant décidément difficile à supporter, il s'en ira pour fonder les Voidoids, réussissant enfin à graver quelques-unes des chansons qu'il avait en stock.

La vogue punk étant passée, Richard Hell, qui n'est pas un abruti et qui a toujours eu du recul sur ce qu'il faisait, contribuera à la vie intellectuelle new-yorkaise par des romans (bien accueillis), des critiques de cinéma, etc.

Que dire de la musique ?

La musique des Voidoids est moins sophistiquée que celle de Television (donc peut-être aussi plus accessible) ; bien au-dessus des bouffonneries navrantes des Ramones.

Les Voidoids bénéficient du style de chant de Hell, dont on a déjà dit un mot, mais aussi du jeu de guitare de Robert Quine, sûrement le guitariste le plus virtuose à être passé par le punk. Quine avait été séduit par le charisme de Hell et avait accepté de rejoindre le groupe, alors même qu'il était plus âgé et que sa philosophie de vie - à l'origine - ne cadrait pas tout à fait avec l'anarchie hellienne. Quine, par la suite, est resté fidèle à Hell jusqu'au bout (c’est à l'image des nombreuses dévotions que Hell a pu susciter, parmi lesquelles il faudrait citer la regrettée Lizzy Mercier-Descloux, a quitté Hell a rendu hommage après son décès).

Quelques points forts de l'album :
- "Blank Generation" : hymne du punk new-yorkais, cette chanson a été élaborée et traînée par Hell bien avant son enregistrement définitif par les Voidoids. Son apparent nihilisme est à modérer, selon les propos mêmes de Hell, qui expliquait avoir voulu fêter la vie libre de ceux qu'il envisageait comme les murs blancs des lofts new-yorkais : des tabulae rasae pour qui tout serait à écrire, à l'inverse de produits déjà labelisés par la société.
- "Love Comes in Spurts" (l'amour vient en jets !)
- "Liars Beware" : une formidable chanson punk emmenée par un riff de guitare/basse frénétique. Hell : "Ridiculous people, you lose your teeeeeeeeth...".
- "Betrayal Takes Two" : ce titre me paraît assez intéressant, en ce qu'il montre comment, même quand le rythme est lent, les Voidoids parviennent à éviter l'évidence sucrée, grâce notamment au jeu de Robert Quine, qui frotte obsessivement ses single notes à la Neil Young (mais en bien plus inspiré), qui flingue les gammes par des chromatismes acides, qui "bruite", anticipant presque Sonic Youth...
- "I'm Your Man" : elle ne fait pas partie de la set-list de l'album, mais est heureusement proposée en bonus track. C'est une chanson pop/rock, avec chœurs répondant au chanteur (comme dans le rock le plus classique ; qu'on pense à "What's Good for the Goose" des Pretty Things). Richard Hell chante mieux ici mieux que jamais, avec un soupçon de misogynie et une arrogance délectable...
- "The Plan" : une autre chanson éloignée des canons du punk, avec chœurs... On pense à Television (du fait de la guitare presque arpégée).

Le point faible de l'album : "Another World", chanson la plus complexe de l'album d'un point de vue rythmique, et pour le coup rappelant franchement Television, est évidemment trop longue (près de 9 minutes). Les Voidoids étaient techniquement supérieurs à la moyenne des groupes punk, mais n'avaient pas nécessairement les moyens de développer une chanson au-delà de 5 minutes comme Tom Verlaine et Richard Lloyd en étaient capables. "All the Way", cover de Frank Sinatra, semble avoir été enregistrée avec des intentions parodiques : ce bonus track apparaît également dispensable.

Les Voidoids enregistront en 1979 une suite à cet excellent album. Mais sans surprise, Destiny Street est moins bon. On ne peut pas, en menant la vie que menait Hell, rester longtemps concentré à 100% sur la musique. Et puis, le punk, ce n'est pas 79 ; c'est 77 (comme 67 avait été l'année de la pop).
                      D.B.
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