Judee Sill

Publié le 26/08/07

Attention ! Ce dont nous allons parler n'est pas quelque chose qu'on achète afin de meubler ses longues soirées d'hiver ou de combler les gigas inutilisés sur son iPod : Judee Sill est une des très grandes de la musique américaine. Une étourdissante révélation.

Son histoire n'est pas anodine. Très jeune, Judee Sill est privée de son père puis de son frère, tués dans des accidents de voiture ; confrontée à un beau-père violent et alcoolique, elle choisit de de tailler la route. Errances, drogue... Elle va jusqu'à se prostituer pour subvenir à ses besoins en héroïne, et elle échoue en prison suite à un braquage.

C'est sur ce terreau décadent que vont éclore quelques-une des plus belles chansons folk, dont l'espèce d'innocence contraste avec les ténèbres qui les ont engendrées. En prison, Judy Sill développe ses dons musicaux et devient vite une pianiste/guitariste/chanteuse accomplie. David Geffen la signe : la voilà membre de l'écurie Asylum, tout comme Carole King et Joni Mitchell.

Mais Judee Sill est meilleure que Carole King et meilleure que la Joni Mitchell des débuts. Son sens musical la place tout en haut, aux côtés d'un Brian Wilson. Etonnante musique qui fusionne la folk, la country, le gospel de Mahalia Jackson et la musique baroque de Bach. Quant aux paroles, elles en gêneront certains, par leur mysticisme béat. Mais la religiosité de Judee Sill est bien particulière, comme il convient à un personnage aussi marginal. Elle dépeint par exemple Jésus en tombeur dans "Jesus Was A Cross Maker" ! Cette aspiration à la rédemption, de toutes les façons, n'est pas pour étonner, venant de quelqu'un qui (comme Verlaine ou Georg Trakl, après tout) avait été très en avant dans la fange. Et puis... les arts d'avant les Lumières n'avaient-ils pas tous à voir avec la spiritualité ?

Le premier album de Judee Sill est sans doute le meilleur. Chacune de ces dix chansons a été polie avec une méticulosité extrême. Pas de déchets, à un tel niveau de songwriting.



Si vous voulez au plus vite savoir à quoi peut ressembler de la country baroque, je vous conseille de vous jeter sur "The Phantom Cowboy", "The Archtypal Man", "Ridge Rider"... La pedal steel y côtoie des arrangements de corde d'une grande délicatesse. Et il y a la voix très pure de Judee... voix qu'elle superpose en de multiples couches, harmonisées en choral ou en fugue... Il n'y a pas d'autre exemple connu d'une progression country classique qui, comme dans "The Archtypal Man", se brise soudainement pour laisser place aux cordes et à une voix qui se perd en arabesques.

Impossible de le dire autrement : il faut écouter Judee Sill. Andy Partridge ne dit pas autre chose, lui qui a écrit : « I’d never heard anything like "The Kiss", which these days would get my vote for the most beautiful song ever written ». On a connu plus mauvais juges en matière d'harmonie et de mélodie...

Après ce premier album, qui date de 1970, Judee Sill sortira un deuxième album, Heart And Food (contenant justement la chanson "The Kiss"). Elle décèdera en 1979 des suites d'une overdose.
                      D.B.
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